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Coronavirus en Tanzanie : "Non au vaccin, oui à la médecine traditionnelle", clament les autorités

Toujours campé dans le déni, le président John Magufuli prône l'usage de plantes plutôt que la vaccination qu'il juge suspecte pour lutter contre le Covid-19. 

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le 29 juillet 2020, le président tanzanien John Magufuli assiste aux funérailles de l'ancien président Benjamin Mkapa dans le village de Lupaso, au sud du pays. (STR / AFP)

"Aucun vaccin ne nous est bénéfique", a déclaré le président de la Tanzanie John Magufuli. De nouveau, le chef de l'Etat tanzanien se positionne envers et contre tous. Déjà pointé du doigt à l'été 2020 sur sa vision de l'épidémie et la façon de la contrer, cette fois c'est sur "l'intérêt" de la vaccination qu'il intervient.

Selon lui, l'Afrique est une terre convoitée pour ses richesses par les nations développées. A ses yeux, le vaccin est un cheval de Troie qui, au lieu de soigner, va détruire la population africaine et laisser le champ libre aux "pilleurs". Bref, il persiste dans la rhétorique du complot qu'il a déjà bien rodée. Aussi, il se refuse à accepter la vaccination contre le coronavirus, sans connaître son risque potentiel.

La médecine traditionnelle validée

Une attitude qui serait respectable et responsable si les autorités sanitaires mondiales n'avaient pas donné leur feu vert à la vaccination. D'autant que ce refus s'accompagne de conseils pour le moins problématiques. Une fois encore, les autorités tanzaniennes font vibrer une corde sensible, selon laquelle il n'y a pas de meilleur remède que celui de la médecine traditionnelle.

La ministre de la Santé de Tanzanie, Dorothy Gwajima, a même joint le geste à la parole. Elle a concocté en public un remède "maison", à base d'oignons, de gingembre, de citrons et de poivre, que les convives ont avalé allègrement ! Des formulations, selon elle, validées par les responsables sanitaires du pays. Il est vrai qu'au regard de la composition, cela ne risquait pas de leur faire grand mal !

Mais cette reconnaissance de facto de la menace du virus, puisqu'on propose un remède, est déjà une grande avancée. Il y a peu, John Magufuli versait dans le déni complet, minimisant les risques et remettant le pays à la grâce de Dieu. Un pays officiellement délivré du virus.
Mais en novembre 2020, Reporters sans Frontières dénonçait "l'impossible couverture de l'épidémie" dans le pays. Chiffres absents et presse baillonnée illustrent le constat de RSF.

Les dernières données officielles remontent au mois d'avril 2020, annonçant 500 cas et 21 morts. Depuis, plus rien. Preuve ulltime, le quotidien national The Citizen ne propose aucune rubrique spécifique à l'épidémie, contrairement à bon nombre de ses confrères, que ce soit dans le monde ou en Afrique.

Alerte du clergé

Mais si l'opinion publique est bien muselée, certains signes ne trompent pas quant à la présence active du virus dans le pays. Les églises locales ont déjà noté une hausse significative des messes de requiem. Elles convient les fidèles, ainsi que le clergé, à respecter les consignes sanitaires afin d'endiguer l'épidémie.

Les pays voisins de la Tanzanie constatent également un nombre significatif de cas positifs concernant des Tanzaniens sortant de leur pays. Au point que le Rwanda refuse l'accès aux conducteurs de poids-lourds venant de Tanzanie.

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